En avant Guengat
Le nouveau récit du groupe de pionniers du 24 février 2023
Nous sommes à Guengat dans le Finistère, à 15 km de Quimper et son centre-ville pittoresque, et à 15km de la mer et de la plage de Kervel.
Enzo, le petit fils de Jean Michel, s’ennuie un jour de pluie. Il ouvre les armoires et tombe sur un vieux livre de photos de son papy. Il lui demande :
“Papy papy, C’est quoi toutes ces machines qu’il y a dans la rue ?”
“Aaaah je me souviens… En ce temps-là tout le monde avait une voiture individuelle et la majorité des personnes conduisait toute seule leur voiture vide. Eh oui je sais, c’est surprenant ! Mais on était très individualistes à l’époque.
La Communauté de Communes du Grand Quimper a lancé son étude pour le plan de mobilité en 2022. J’y ai participé afin d’analyser le territoire et de prévoir la mobilité à venir. La collectivité a lancé une consultation publique et on a pu suivre pleins d’ateliers pour imaginer les déplacements de l’avenir.
Après plusieurs réunions, on a trouvé des solutions et dès 2023, le Grand Quimper a entamé les travaux : des parkings-relais ont été étudiés pour faire la liaison avec les transports en commun histoire de ne plus encombrer le centre ville avec les voitures stationnées et de récupérer les espaces de parking pour les transformer en pistes cyclables. De nombreux axes cyclables ont été créés avec des locaux à vélo sécurisés. Ma sœur a ouvert un atelier de réparation de vélo en 2023 grâce aux fonds de la collectivité, et moi j’ai pu acheter un vélo électrique. Des cours de vélo sont entrés au programme scolaire, des pédibus ont été mis en place dans les écoles. Ton père a appris à faire du vélo grâce à ça tu sais.
Des services d’auto partages de véhicule ont suivi, l’idée était de pouvoir se passer de voiture, qu’on n’en soit plus propriétaire. A ce titre, la Communauté de Communes a embauché d’abord un, puis deux agents équipés de minibus électriques qui effectuent du transport à la demande. Ils allaient par exemple chercher ton arrière-arrière-grand-mère pour l’emmener faire ses courses en ville. Les commerces et services ont été aussi relocalisés au cœur des villages pour éviter de se déplacer.
En fin d’année, une étude a abouti à la remise en place de transports en commun, l’étoile ferroviaire a été imaginée à ce moment-là pour relier toutes les autres Communautés de Communes.
Puis, sacré changement en 2024, figure toi que j’ai vendu notre grosse voiture qui nous servait à partir en vacances. Je m’en souviens très bien, c’était le 25 août 2024, justement après un road trip en Italie. J’avais mis une annonce sur leboncoin pour la vendre et j’ai eu beaucoup de mal ! Plus personne ne voulait de mon gros 4×4 Range Rover ! C’était un crève-cœur de le vendre pour une bouchée de pain à un maraîcher du coin qui avait besoin de tracter de grosses charges. Mais quand j’y repense, quelle libération. Cela m’a permis de prendre mon vélo beaucoup plus souvent pour faire des déplacements et je m’arrangeais pour optimiser les courses et tout ce que j’avais à faire. Je réfléchissais beaucoup plus à ma manière de me déplacer.
L’année suivante, en 2025, je suis entré au conseil municipal et je suis très fier d’avoir pu participer aux premiers pas du grand projet régional de réhabilitation des petites gares laissées à l’abandon. J’ai rédigé l’appel à projet pour la création de lieux de vie dans chacune de ces gares. Pierre, mon voisin, s’est chargé de redéfinir les lignes de connexions entre toutes les villes du coin : Ploneis, Plogonnec, Douarnenez etc…
C’était très excitant de participer à tout cela. A peine deux mois plus tard, deux cafés qui font aussi épicerie avaient ouverts à Ploenis et Douarnenz au niveau de la gare. On s’est rendu compte que cinq cents personnes transitaient chaque jour dans ces gares. Et ce n’était que le début, mon petit Enzo !
En 2027, il y eut encore des changements”, affirma Jean-Michel, en reprenant une gorgée de café.
“Une loi favorisa le télétravail à hauteur de trois jours par semaine pour limiter les déplacements et encourager le covoiturage entre salariés. C’est aussi à cette période que j’ai changé de travail. Un bureau d’étude basé dans la région parisienne avait ouvert une branche à Quimper, j’ai tout de suite candidaté et j’ai pu commencer mon nouvel emploi à 10 km de la maison. Quel plaisir pour moi de ne plus avoir à prendre la voiture chaque jour pour aller au boulot !”
Enzo était bouche-bée : “Tu allais tous les jours au travail en voiture avant ?!”
Jean-Michel lui répondit, ému : “Eh oui, t’imagines ! Quelques mois après, j’ai même vendu notre dernière voiture à l’asso du quartier. Avec Pierre, on allait faire nos courses ensemble tous les samedi matin pour pouvoir l’utiliser.
Quand on a célébré 2030, on a bien senti qu’un cap était passé… On n’allait presque plus en ville, parce que tout était maintenant à portée de guidon de vélo : le boulanger Ivan, la médecin, la vétérinaire et tout ce dont on avait besoin. Celles et ceux qui travaillaient de leurs mains s’y rendaient à vélo, et les autres qui travaillaient sur un ordinateur ne se déplaçaient que rarement en ville. D’abord car ils et elles travaillaient de chez eux, et ensuite car les entreprises aussi avaient compris que les gens profitaient d’une meilleure qualité de vie à la campagne. D’ailleurs les quelques entreprises qui restaient en ville étaient maintenant équipées de douches, de vestiaires, de casiers et de grands parkings à vélos pour les vélotaffeurs et vélotaffeuses.
C’est à peu près à ce moment-là que le pétrole est devenu impayable, mais à vrai dire, ça n’a pas beaucoup changé nos vies, car peu de personnes utilisaient encore de véhicules lourds. Les déplacements doux étaient devenus la norme, et pas seulement en Bretagne : dans toute l’Europe !”