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Comment j'ai arrêté de manger des fraises en hiver

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Le nouveau récit du groupe de pionnier·es du 11 avril 2023

C’est vendredi aujourd’hui, jour de retrouvailles comme toutes les semaines entre Arthur et son grand-père, Bruno. Depuis quelques temps, Bruno apprend à cuisiner à son petit-fils, il lui explique que cela n’aurait pas été possible sans une transformation radicale vers une consommation locale et saisonnière, encouragée par une redécouverte de la cuisine. Cette révolution impactant l’éducation, la restauration, et créant des communautés engagées, a mené à une vie plus saine, sociale et durable depuis 2030 :

En 2023, la crise économique et la crise écologique ont été un cataclysme dans nos vies. On vivait une drôle d’époque. Tout le monde voulait manger rapidement pour pas cher. Nous faisions donc face à plusieurs possibilités : continuer de consommer en dépit de notre santé et de la planète, ou bien retourner à une consommation plus raisonnable, plus authentique : consommer de saison, consommer des produits locaux, prendre le temps de cuisiner. C’était un vrai retour aux sources qu’il fallait mener.  Il a fallu changer pas mal de choses pour qu’on en arrive au monde que tu connais aujourd’hui.

A ce moment-là, on encourageait déjà les gens à manger local, manger bio et à  limiter les produits transformés. Mais à l’époque, le prix de tous ces produits faisait que trop peu de personnes choisissaient de s’inscrire durablement dans ces nouvelles habitudes. De plus, à l’époque tout le monde ne prenait pas le temps d’aller faire les marchés chez les producteurs. Boostée par les municipalités afin d’universaliser ce mode de consommation, la grande distribution a développé des offres promotionnelles dédiées aux produits de saison et aux produits locaux. Elles ont même inventé des programmes de fidélité qui récompensaient les achats vertueux pour inciter la population à changer ses habitudes. Pour soutenir et pérenniser ce nouveau mode de vie, il a fallu se re-familiariser aux légumes, à leur saisonnalité, comment on les cultivait et comment on pouvait les manger. Il y avait du travail !
Beaucoup ne connaissaient pas la moitié des légumes qui poussaient dans leur région et mangeaient toujours les mêmes. Cet accompagnement était essentiel aussi bien pour les adultes que pour les enfants. De ce fait, dès 2024, il y a eu des changements au sein de l’éducation nationale. Des chefs sont venus donner des cours d’alimentation et de cuisine. Ça faisait bien 60 ans qu’il n’y avait plus de cours de cuisine dans les écoles. Mais grâce à cette pédagogie, les enfants ont pris ou repris le plaisir de cuisiner et l’envie de partager ces moments au sein de leur foyer. 
Toujours dans cette dynamique, il fallait embarquer les familles dans ce nouveau mode de vie, des émissions de télévision de cuisine ont été diffusées sur les chaînes nationales, en replay, sur les plateformes à la demande. Une liste d’ingrédients était proposée dans la semaine : tu choisissais de récupérer tes courses au supermarché ou chez les producteurs à côté de chez toi et ensuite, pendant quelques heures, le weekend, en famille, on cuisinait les repas de la semaine tous ensemble. Le batch cooking est vraiment entré dans tous les foyers comme une activité incontournable du quotidien.

Après deux années à développer les cours de cuisine à l’école et à la télévision, on est passé à la vitesse supérieure. Thierry Marx est entré au gouvernement. La cuisine est devenue une matière à l’école. On avait déjà 30 minutes d’activité physique par jour, on a obtenu 30 minutes de cuisine par jour ! C’est là que ton père a appris à faire tous les plats qu’il te prépare ! Comme les enfants se mettaient à prendre goût aux aliments, ils n’acceptaient plus les fruits sans goût cultivés hors saison. C’est les meilleurs souvenirs d’école de ton père ! Quel plaisir de préparer son goûter à l’école et de le déguster tous ensemble ! Quelle fierté de nous ramener de bons gâteaux plutôt que des bonnes notes ! Maintenant, cela peut te paraître normal puisque vous participez même à la préparation du repas du midi !
En plus, cela le rendait plus confiant pour nous aider lors de la séance du batch cooking du weekend. Il nous apprenait ses nouvelles recettes de la semaine.

Lorsque la loi de 2025 est passée, obligeant les restaurants et la restauration collective à passer à 50% de produits locaux et de saison. 50% cela pouvait paraître beaucoup au début mais finalement, il y a eu quelques oppositions mais assez vite comme les enfants ne voulaient plus aller dans des restaurants qui n’appliquaient pas la nouvelle norme, les grandes chaînes ont finalement pris le virage de la saisonnalité.
Pour limiter l’augmentation des coûts dans la restauration, une taxe a été votée sur les produits hors saison et non locaux pour soutenir ce changement. L’argent récolté faisait baisser les prix des produits de saison et locaux, engageant d’autant plus les gens à consommer ce type d’aliments. Une taxe redistributive qui, en plus de limiter les importations et les produits néfastes à l’environnement, aidait l’agriculture française à diversifier leur production pour répondre à la nouvelle demande.

Dès 2028, les cantines et les crèches ne servent plus que des repas de saison et locaux. Un réseau avec les producteurs locaux a été mis en place et des dynamiques locales sont installées.  Les restaurants servent à 75% des repas de saison avec des produits locaux. Les industriels et artisans ont développé des repas saisonniers mis à la disposition des consommateurs, à des prix compétitifs. Des réseaux de quartiers se sont organisés pour cuisiner et vendre pour leurs voisins. Ta grand-mère a même animé un réseau sur Bourges et sa région. Seules les publicités sur les produits alimentaires saisonniers et locaux ont été autorisées, les aliments hors saison sont vendus avec le coût de leur impact total et sont en plus taxés. La cuisine est enseignée dès le primaire. Elle sert de support à l’enseignement de base, par exemple avec le calcul des quantités et volumes, la compréhension dans la lecture des recettes, l’imagination en créant de nouvelles recettes, la dextérité par la manipulation…
Question grande audience, l’émission Top Chef ne conçoit ses concours de cuisine qu’à partir de produits locaux et de saison. Les fermes artisanales concevant des repas à partir de leurs productions se développent et sont devenues très tendance, c’est le lieu ou les familles se retrouvent en weekend. La cuisine française basée sur la saisonnalité est devenue une référence incontournable, elle se diffuse mondialement et s’incruste dans le quotidien des personnes.

Tu vois Arthur, il y a 10 ans, en 2030, on a cessé d’acheter et de consommer n’importe quoi, n’importe quand, on en avait même plus envie, car on a pris conscience progressivement que c’était nocif pour la planète. Tu peux imaginer qu’on mangeait du bœuf toutes les semaines et des fraises en hiver ? Elles n’étaient pas bonnes en plus et très chères… mais on le faisait quand même.
Depuis, on s’est questionnés grâce aux messages des pouvoirs publics, des profs, on a pris conscience de l’impact de nos achats et on a trouvé de nouvelles solutions pour manger, notamment en achetant des produits locaux et de saison et tout cela en se faisant plaisir bien sur, mais autrement !
On a surtout retrouvé le plaisir d’acheter à nos fermes voisines, et même aux familles qui aiment cuisiner de grandes quantités.
Depuis, on s’est fait de nouvelles amitiés ! C’est à partir de cette époque qu’on fait des piques-niques tous les weekends chez les producteurs et productrices de la région, qu’on participe aux cours de cuisine proposés par les uns et les autres. On apprend de nouvelles recettes, on cuisine en rigolant, en écoutant de la musique, on passe de bons moments en famille et avec notre communauté !

Et en plus, depuis 10 ans, j’ai une bien meilleure santé, le médecin me l’a dit car je mange plus sainement, plus de fruits et légumes de saison bio. Et puis, cuisiner m’occupe, donc je ne m’ennuie plus ! C’est bon pour le moral. Et je suis fier aujourd’hui de t’apprendre à cuisiner Arthur.

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