Les Paresseux
Le nouveau récit du groupe de pionniers du 21 septembre 2023
Quand l’absence de vacances planifiées conduit à la découverte du bonheur dans la paresse. L’épopée de cette nouvelle perspective sur le temps, le bien-être et la non-productivité qui a transformé la vie quotidienne de beaucoup :
Lundi 21 septembre 2030,
Je n’aurais jamais imaginé que cette période de l’année ne soit pas associée à l’effervescence de la rentrée scolaire et pourtant, tout a commencé il y a maintenant 8 ans. Je m’en souviens très bien, mes parents étaient sur l’ordinateur en train de fouiner sur les sites de comparateurs en ligne pour réserver nos vacances. Ils s’engueulaient bien sûr. “On s’y est pris trop tard, il n’y a plus rien de dispo, tout est trop cher”, disait ma mère. Au bout d’un moment, mon père a tranché : “Si c’est comme ça, on ne part pas.”
Je fut dépitée pendant plusieurs jours à l’idée de rester chez nous avec Papa, Maman et Rose pendant les vacances.
Et puis je ne sais pas, quelque chose d’incroyable et d’imperceptible s’est produit. Je crois qu’on a passé le meilleur été de notre vie tous les quatre, tout simplement parce que l’on avait rien prévu. Je me souviens de longues soirées d’été dans le jardin à discuter tous les quatre d’observation de la voie lactée, de lecture d’un bouquin au soleil.
Bref, l’extase. On était sorti de cette injonction permanente à la productivité.
Ma rentrée scolaire en CM2, après cet été-là, fut des plus surprenantes. Quelle ne fut pas la tête de mes camarades devant ma mine extasiée, lorsqu’à la traditionnelle question, “Qu’as-tu fait pendant les vacances ?”, j’ai tout simplement répondu : “Rien du tout” avec un sourire jusqu’aux oreilles.
Expérience similaire pour le retour au travail de mon père, autour de la machine à café : “Dis donc Cyril, qu’as-tu fait de si spécial pendant tes vacances, tu as une mine superbe !”
“J’ai paressé”, avait-il répondu le plus simplement du monde.
Puis, au fil des semaines, il avait petit à petit convaincu ses collègues de travail du bien fondé de cette paresse.
Au cours de l’été 2024, galvanisé par ses deux ans à découvrir et partager la notion de paresse autour de lui, mon père avait proposé à son entreprise d’organiser le premier camp d’été de la paresse, réunissant les employés de l’entreprise et leur famille. Le tout financé par le comité d’entreprise. Ce fut réellement éblouissant.
Personne avant ça n’aurait imaginé qu’un camp ayant pour thème la paresse serait si enrichissant. Les parents ont pu se retrouver et prendre le temps d’échanger et de suivre les enfants dans leurs univers merveilleux d’imagination.
Ainsi, que ce soit la semaine de quatre jours, l’organisation partagée des tâches ou tout autre sujet, toute perspective rendait les gens plus heureux.
À la sortie de ce camp d’été, un article de journal faisant état de cette expérience inédite et des bienfaits engendrés dans l’entreprise et les foyers des participants a été publié.
C’est aussi lors de ce camp que je rencontrais Julie, mon premier amour.
Ce camp nous avait éloignés de nos écrans et c’est lors d’une cueillette de fleurs que nous nous sommes rencontrés. C’est avec elle que l’année suivante j’assistais à la première assemblée du mouvement qui allait tout changer. Le mouvement s’appelait “Les Paresseux”.
Et durant toute l’année 2025, nous avons parcouru la France avec nos parents pour répandre cette nouvelle façon de vivre autour de conférences.
J’ai ensuite intégré un lycée autogéré, le lycée Mona Chollet. Quel bonheur de partager les mêmes valeurs de coopération, d’entraide et de liberté que les profs et les élèves. Nous sommes libres de suivre les cours que nous voulons, de changer, de ne pas venir du tout en cours. En fait, je respecte mes envies, mon rythme, je me sens aligné. Et mes parents m’envient, ils auraient bien aimé connaître ça.
Bon, heureusement, au travail ça bouge pour eux. Dans la boîte de papa, ils ont fait beaucoup de choses. Maintenant, ils ont la possibilité de poser des congés en illimité, sans le justifier. Du coup, quand ils en ont envie, ils s’arrêtent.
Et c’est pas mal vu comme avant. Il me dit qu’il y a 2 ou 3 ans, personne ne posait ses congés, maintenant, de plus en plus de ses collègues le font et la productivité d’entreprise n’est pas moins bonne, au contraire. Et l’ambiance est même meilleure.
Surtout, la question à la machine à café, ce n’est plus : “Alors, t’as fait ce week-end?” mais “Comment tu te sens aujourd’hui ?”
Mes copains eux, sont dans des lycées classiques et ils sont hyper intrigués par mon concept de lycée autogéré et par mon groupe du mouvement des Paresseux.
Les parents de Mathis disent que c’est n’importe quoi, que c’est une fabrique à crétins, de futurs anarchistes.
Du coup, avec Julie, et un collectif de profs et d’élèves du lycées, on fait des vidéos sur TikTok pour présenter le concept.
Ça marche tellement que les lycées se sont mis en grève pour exiger le même fonctionnement. Le Ministère de l’Éducation a craqué, ils ont commencé à instaurer des cours de méditation d’empathie, de partage et de conception des repas.
En même temps, il faut dire qu’il y a une grande étude de l’institut Bourdieu qui est sortie et qui démontre que faire moins d’activités était aussi bénéfique pour la santé. L’ennui réduit le stress. Et ceux qui arrivent à vivre sans la pression sociale, l’injonction de faire, gagnent 17 mois d’espérance de vie. Bref, j’ai l’impression que les choses commencent à bouger.
En 2028, suite aux manifestations d’ampleur dans le pays pour ce nouveau modèle, des directives gouvernementales sont prises : des cours de paresse, de reconnexion à soi, de rapport aux temps sont proposés à l’école.
Et l’année suivante, le Service National Universel est remplacé par le SNP : Service National de la Paresse !
Ne rien faire n’est plus connoté négativement, “ne rien faire is the new cool”.
On voit de plus en plus de débats sur les réseaux autour de la notion de superflu et de l’essentiel, du rapport au temps et au travail. Je ne me sens plus honteux de dire que je ne suis pas parti en vacances, un sujet que j’aborde souvent avec ma communauté sur TikTok.
Ce nouveau rapport au temps et à soi, m’a fait découvrir que passer plus de temps ensemble, en famille et entre amis, rendait une vie plus douce !